3977 – COMMUNIQUE DE PRESSE – Maltraitances de personnes âgées en établissement en 2018 : Les EHPAD peuvent-ils remplacer les soins de longue durée ?

COMMUNIQUE DE PRESSE – 22 octobre 2019

Les appels pour maltraitance en établissement mettent en cause les soins reçus

› 2/3 des dossiers ouverts en 2018 concernent la qualité des soins reçus, ou l’insuffisance de soins

En 2018, 681 dossiers ont été ouverts pour suspicion de maltraitance en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) suite à un appel au 3977 ou à un centre de la Fédération 3977.

Parmi eux 112 (16%) relevaient de maltraitances directement liées aux soins reçus, 255 (37%) étaient en rapport avec des négligences dites passives, c’est-à-dire à une réponse insuffisante à des besoins essentiels, en particulier du fait des aides et soins disponibles, et 85 (12%) étaient en rapport avec des négligences dites actives, pouvant impliquer individuellement les professionnels de l’établissement.

Autrement dit, 2/3 des dossiers de maltraitances ouverts pour des personnes âgées résidant en EHPAD font référence à l’environnement des soins disponibles (maltraitances organisationnelles).

Sachant que seule une faible part des situations de maltraitance est actuellement signalée, on ne peut garantir que ces résultats donnent une vue représentative de la situation réelle des résidents en EHPAD en 2018.

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› La part des maltraitances organisationnelles a nettement progressé en 3 ans

De 2016 à 2018, le nombre de dossiers ouverts pour suspicion de maltraitance en EHPAD est passé de 576 à 681, soit une progression de 18% en 3 ans.

Parmi ces dossiers, les maltraitances dites organisationnelles sont passées de 369 à 452 (+ 22% en 3 ans).

Ces maltraitances organisationnelles progressent deux fois plus vite que les autres parmi les signalements concernant des résidents en EHPAD.

 

En France, les capacités d’accueil des établissements pour personnes âgées dépendantes sont réorientées vers des soins moins denses, d’un coût moindre.

 

› Le profil des établissements d’accueil évolue depuis des années

 Les personnes âgées, plus ou moins dépendantes, et plus ou moins malades, peuvent être accueillies lorsque leur maintien à domicile ne parait plus possible, dans des unités de soins de longue durée (USLD) rattachées à des établissements de santé ou des Etablissements d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) qui appartiennent au secteur dit médico-social.

Les enquêtes de la DREES décrivent l’évolution respective de ces structures (dernières enquêtes : 2011 et 2015).

En 4 ans, le nombre des places installées en USLD a été réduit de 34 720 à 33 860 (-2,5%), tandis que celui des places installées en EHPAD a progressé de 565 540 à 600 380 (+ 6,2%).

Ces types d’établissement ne disposent pas du même niveau de personnels : ainsi en 2015, 103,2 équivalents temps-plein de personnels dans les USLD, contre 62,8 dans les EHPAD. En outre, le niveau de qualification de ces ressources diffère : 71% d’emplois soignants dans les USLD, contre 46% dans les EHPAD.

› Les données disponibles suggèrent que les personnes âgées admises en USLD ont un état de santé plus dégradé que celles admises en EHPAD

 –   Les personnes admises dans les USLD sont sensiblement plus dépendantes que celles admises en EHPAD : en 2015, les personnes classées dans les Groupes Iso-Ressources 1 ou 2 représentaient 82% des patients admis en USLD, contre 54% des résidents en EHPAD (tous statuts confondus) ;

–   Un autre indicateur de cet état de santé plus dégradé pourrait être la proportion plus forte des personnes décédées dans l’établissement au cours de l’année 2015 : 75% des patients admis en USLD, contre 51% des résidents en EHPAD (tous statuts confondus), même si une partie des personnes résidant en EHPAD sont hospitalisées en fin de vie, contrairement aux patients admis en USLD ;

–   Cette dernière différence est d’autant plus remarquable que les personnes résidant en EHPAD sont sensiblement plus âgées que les patients admis en USLD : 66% des résidents en EHPAD ont 85 ans et plus, contre 52% des patients admis en USLD.

Ces données cohérentes indiquent que les personnes admises en USLD requièrent des soins plus importants que celles résidant en EHPAD : les deux types de structures ne sont pas interchangeables.

D’un point de vue gériatrique, l’entrée en EHPAD et l’admission en USLD relèvent d’indications différentes, même si des « dérives » de pratiques sont constatées dans les deux sens. Un patient âgé, très dépendant et malade ne recevra pas des soins adaptés en Ehpad, et sera exposé au risque de négligences au moins passives. A l’inverse, le maintien en USLD de personnes disposant d’une certaine autonomie, et n’ayant besoin que de soins courants n’a pas sa place en USLD. Une évaluation gérontologique pluraliste en amont permet d’éviter ces erreurs.

Ces résultats ne démontrent pas de lien causal entre réorientation des établissements pour personnes âgées, et survenue de maltraitances.

En effet ces résultats portent sur des périodes décalées : 2011 à 2015 pour l’évolution des établissements (les résultats d’une nouvelle enquête de la DREES devraient être connus en 2020), 2016 à 2018 pour les appels pour maltraitances en établissements reçus par la Fédération 3977.

Les appels reçus par la Fédération 3977 ne représentent qu’une faible part des situations de maltraitances et probablement des situations un peu différentes : la représentativité de ces résultats n’est pas avérée

La coïncidence de deux phénomènes ne démontre pas que l’un est la cause de l’autre.

Toutefois, le rapprochement de ces différents résultats interroge la pertinence de poursuivre cette logique de conversion de lits d’USLD en EHPAD.

 On ne voit pas comment des personnes très âgées, très dépendantes et sans doute très malades, telles qu’elles sont aujourd’hui prises en charge en USLD, pourraient recevoir des soins équivalents en EHPAD, alors que le nombre et le niveau de qualification des professionnels y sont moindres.

Ce paradoxe pourrait constituer une source durable de maltraitances organisationnelles à large échelle, et en outre majorerait fortement les besoins de places en Ehpad.

Leur prévention passe par une analyse approfondie de la situation, ses causes et ses effets. Une vigilance accrue des acteurs concernés est justifiée : La Fédération 3977 y prendra sa part, ayant chargé son Conseil Scientifique d’un rapport sur le positionnement respectif des EHPAD et des USLD et les risques de maltraitance associés.