Forte hausse des maltraitances en Ehpad en 2021 : Orpéa et les autres…
A l’occasion des faits préoccupants mis à jour par la publication des « Fossoyeurs », livre mettant en cause les pratiques des établissements médico-sociaux du groupe Orpéa, la Fédération 3977 fait le point des alertes pour maltraitances reçues en 2021, par comparaison avec les 3 années précédentes.
Avec 6688 dossiers ouverts pour maltraitances possibles en 2021, l’augmentation est considérable par rapport à 2020 (+18%), tranchant avec celles des 3 années précédentes (+7% par an en moyenne). L’évolution constatée pour les situations de maltraitance en établissements, essentiellement en Ehpad, va très au-delà : avec 1892 dossiers ouverts (soit 27% des alertes reçues en 2021), la hausse est spectaculaire et représente une augmentation de 37% par rapport à 2020, contre + 9% en moyenne pour les 3 années précédentes.
Sans surprise, les personnes âgées sont les principales victimes des situations objets de ces alertes (73%), mais la hausse observée en 2021 est particulièrement critique pour celles qui concernent des personnes en situation de handicap : 1800 alertes soit + 56% (contre 10% de hausse annuelle moyenne pour les 3 dernières années).
Les types de maltraitances les plus souvent incriminés en 2021 sont les maltraitances psychologiques, en forte hausse en 2021, celles liées aux soins, les négligences, et les restrictions de droits. Une attention particulière doit être portée aux violences sexuelles, en nombre limité mais certainement très sous-estimées !
Ces alertes ont plus que doublé en 2021 (104 contre 42 en 2020).
L’évolution préoccupantes des alertes pour maltraitances en établissement, observée en 2021 ne peut être expliquée par la situation des seuls établissements d’un groupe particulier : elles sont d’une grande diversité, que « l’affaire » Orpéa est loin de résumer. Elle traduit en effet un phénomène d’ampleur complexe, touchant des établissements de statuts différents.
A ce jour, seule une infime partie des maltraitances réelles est l’objet d’alertes (moins de 5% selon l’OMS). Elle ne peut pas non plus être réduite à une « simple » dérive de management, ou à des contrôles externes insuffisants. De multiples facteurs expliquent ce désastre jusque-là bien silencieux, dont :
– Les limites du « modèle » des Ehpad fondé sur une « masse critique », un seuil de « rentabilité », et une logique purement « comptable » ;
– Le manque d’attractivité des métiers du grand âge, par leur faible rémunération, leur manque de considération et leur formation lacunaire ;
– La fuite en avant du management de ces établissements lorsqu’il substitue la « promotion de la bientraitance » à l’animation, avec les professionnels, d’un dispositif de recueil au quotidien des dysfonctionnements, pour analyser chacun et lui apporter des réponses sur le terrain afin d’éviter les récidives ;
– La communication et la concertation insuffisantes avec les familles de résidents, souvent mal informées et tenues à l’écart des difficultés rencontrées pour leurs proches.
Au-delà, cette curieuse et ancienne tolérance dont les maltraitances ont fait l’objet jusque-là, largement tues, c’est-à-dire acceptées, doit interroger chacun.
La Fédération 3977 contre les maltraitances juge que cette situation n’est soluble ni dans une réaction ponctuelle aux crises successives, au coup par coup, ni à une simple exhortation des professionnels à plus d’éthique. Elle appelle les pouvoirs publics à concrétiser le projet d’un plan national pluriannuel de lutte contre les maltraitances, annoncé début 2019, mais resté en suspens ; ce plan nécessiterait d’être concerté avec les acteurs concernés. La Fédération est prête à y prendre toute sa part.